Briseis a été construit pour le constructeur automobile Louis Renault. Renault a voulu s’occuper de l’ingénierie du yacht et l’a équipé d’un moteur électrique, le premier voilier au monde à utiliser ce système de propulsion moderne.

Baptisée en hommage à la reine de Lyrnessos, ravie par Achille au cours de la guerre de Troie raconte L’Illiade, Briséis a d’abord été… un laboratoire. Lorsqu’il le commande au célèbre chantier naval anglais Camper & Nicholsons, l’industriel – alors l’une des plus grosses fortunes de France – précise qu’il veut le doter d’une propulsion électrique de son invention. Une véritable exception à l’époque. Finalisé par Charles-Edmond Serre, chef de son bureau d’études, la motorisation hybride est réalisé dans les usines Renault. Au cours des 17 années suivantes, il croise entre les îles anglo-normandes (Renault a acquis une immense propriété sur l’île de Chausey) et le continent.

Revendu par son fils en 1947, Briséis connaîtra au fil des années six propriétaires successifs ; parmi eux, un certain Robert Pichonnier qui démonte le moteur hybride, le champion olympique de voile Gaston Thubé, ou encore un expert maritime, monsieur Palangue, qui le ramène au début des années 60 à Marseille. En 1963, c’est au tour du jeune architecte marseillais Bernard Laville d’en tomber amoureux. Il l’acquiert, et s’emploiera pendant plus de 20 ans à le moderniser, sans dénaturer son identité. Anecdote : une année – manquait-il d’argent ? – l’architecte vend son navire, avant de le racheter, un an plus tard (plus cher !) à son acquéreur. On ne se sépare pas si facilement de Briséis.

Ainsi après avoir commencé sa vie en Manche et en Atlantique, Briseis navigue vers la Méditerranée en 1961. En 1964, son propriétaire, l’architecte Bernard Laville fait appel à André Mauric, architecte de Penduick VI, pour améliorer les performances du yacht. En conséquence, il a reçu un mât amélioré, un plan de pont, des accastillages Gibb et des voiles Ratsey & Lapthorn, le must de l’époque.

Marseille, c’est aussi l’endroit où le navire a connu de grands changements : nouveau mât de spruce (épicéa), nouveau plan de voile, installés au chantier Chabert du Pharo et dessiné par nul autre que l’architecte naval star André Mauric, voisin de ponton de Bernard Laville.

Briseis s’est modernisé avec un spi asymétrique et un gros génois léger. Le bateau est constamment utilisé pour la croisière et la course sur le circuit AFYT.
Le moteur électrique n’est plus à bord depuis 1948. Un moteur classique Nanni Diesel 4.220 HE propulse le yacht.

Teck de Birmanie, acacia, iroko, chêne d’Angleterre… Des bois précieux patinés par presque un siècle d’histoire. Neuf décennies au cours desquelles Briséis a fait danser sa silhouette gracieuse et ses ailes blanches de l’Atlantique à la Méditerranée. Le voilier construit par l’industriel français Louis Renault en 1930 a posé depuis quelques années ses amarres au Frioul. Propriété aujourd’hui d’un couple de Marseillais, Benoît et Marie, il a reçu en avril la protection au titre des monuments historiques.

© Photo Anne Beaugé
© PhotoDiego M. Bonnet

En 1992, « Briséis » s’enflamme.

Le voilier manque de disparaître en fumée. Un court-circuit sur la vieille installation électrique… il s’embrase. Dix-huit mois d’un chantier colossal seront nécessaires à le remettre à flot : le pont est reconstruit, les circuits électriques changés, l’intérieur reconstitué, les voiles rachetées. Daniel Scotto et Sebastien Grall referont le pont en teck, à flot, protégé par une sorte de cocon de leur invention.

Aujourd’hui, Briséis ne porte plus de trace de l’incendie. Entretenu avec amour par ses nouveaux propriétaires, le voilier balade ses lignes gracieuses de régates en rassemblements de navires de tradition. Une vieille dame, presque centenaire, qui garde tout son charme.